Décision

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Sénéchal (Seben Recherchistes) c. Saindon

2019 QCCQ 5256

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

N° :

200-32-702205-187

 

DATE :

29 juillet 2019

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

NATHALIE VAILLANT, J.C.Q.

 

______________________________________________________________________

 

 

Gérald Sénéchal, f.a.s.n. Seben Recherchistes

[...], Québec (Québec)  [...]

 

Partie demanderesse

c.

jocelyn saindon

[...], Baie-Comeau (Québec)  [...]

 

Partie défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Monsieur Gérald Sénéchal, f.a.s.n. de Seben Recherchistes (« monsieur Sénéchal ») réclame de monsieur Jocelyn Saindon (« monsieur Saindon ») 2 279 $ représentant les honoraires auxquels il prétend avoir droit pour la transmission d’information et service de recherche rendus à monsieur Saindon.

[2]           Monsieur Saindon refuse de payer au motif qu’il n’a jamais convenu de payer monsieur Sénéchal.

QUESTION EN LITIGE

[3]           Monsieur Saindon a t-il consenti à payer pour les services de monsieur Sénéchal ?

Le contexte

[4]           Monsieur Sénéchal a développé un service de recherche sous le nom de Seben Recherchistes. À partir de la liste des biens non réclamés publiée par le Gouvernement du Québec, il retrace les bénéficiaires de ces biens. La plupart du temps, ces personnes ignorent l’existence des sommes appartenant à un membre de leur famille.

[5]           Monsieur Sénéchal communique avec le bénéficiaire, lui dénonce l’information et convient avec celui-ci de lui transmettre les formulaires nécessaires à la réclamation auprès de l’organisme gouvernemental. Il offre également son aide pour compléter les formulaires, si requis. En contrepartie, il convient avec le bénéficiaire du paiement d’une commission pour l’information transmise et couvrir les frais de recherche qu’il a encouru pour le retracer.

[6]           C’est ainsi, que le 16 octobre 2016, monsieur Sénéchal communique avec monsieur Saindon pour lui dénoncer l’existence d’une somme de 17 537,78 $ détenue au nom de sa défunte épouse par le Ministère du Revenu. Il explique à monsieur Saindon sa démarche. Il fait mention de sa demande de commission en échange de l’information transmise et pour couvrir ses frais de recherche.

[7]           Selon monsieur Sénéchal, monsieur Saindon aurait convenu de payer les honoraires requis.

[8]           Monsieur Sénéchal confirme l’objet de la conversation téléphonique par une lettre en date du 17 octobre 2016. La lettre réfère à l’entente convenue au sujet de la commission de 13 %. La lettre précise que la commission n’est payable qu’au moment de la réception par monsieur Saindon de toute somme d’argent.

[9]           Plusieurs mois après ces échanges, monsieur Sénéchal tente de communiquer avec monsieur Saindon, car il constate que le nom de sa défunte épouse n’apparaît plus sur la liste des bénéficiaires de biens non réclamés. Il en déduit que monsieur Saindon a reçu le montant. Il désire recevoir le paiement de sa commission.

[10]        Monsieur Saindon ne lui retourne pas ces appels.

[11]        Monsieur Sénéchal laisse plusieurs messages à l’attention de monsieur Saindon. Il parle à la conjointe de celui-ci à une occasion, lui réitérant son désir de parler à monsieur Saindon.

[12]        Il n’aura jamais de retour d’appel de monsieur Saindon.

[13]        Le 15 août 2017, il met monsieur Saindon en demeure de lui payer 2 279 $ représentant 13 % de la valeur du bien non réclamé reçu par monsieur Saindon. Il justifie sa réclamation de l’accord obtenu de monsieur Saindon lors de l’échange téléphonique du 17 octobre 2016.

Analyse et motifs

[14]        La partie qui formule une demande doit démontrer de façon prépondérante le bien-fondé de sa réclamation. Elle doit donc établir que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable par une preuve directe, mais également par les circonstances et les inférences graves, précises et concordantes qu’il est raisonnablement possible de tirer de sa preuve, et ce, selon les stipulations prévues aux articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »).

[15]        Ainsi, monsieur Sénéchal assume le fardeau de démontrer au Tribunal qu’un contrat est intervenu entre monsieur Saindon et lui et qu’il a droit à sa commission.

[16]        L’article 230 de Loi sur la protection du consommateur (« LPC[1] ») s’applique à la présente affaire et prévoit ce qui suit :

230. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit:

a)  exiger quelque somme que ce soit pour un bien ou un service qu’il a fait parvenir ou rendu à un consommateur sans que ce dernier ne l’ait demandé;

b) (…) 

c) (…)

[17]        Cette disposition interdit à un commerçant d’exiger quelque somme pour un bien vendu ou un service qu’il rend à un consommateur sans que le bien ou le service n’ait été préalablement sollicité par le consommateur.

[18]        Maîtres Nicole L’Heureux et Marc Lacoursière dans leur volume Droit de la Consommation[2], précisent à ce sujet :

Sous-section 3 - Vente par inertie

537. Généralités - La vente par inertie, par envoi forcé ou plutôt par envoi non commandé, consiste dans l’expédition d’un objet quelconque au consommateur sans demande préalable de sa part. […].

[…]

538. Portée de l’interdiction -  La législation n’interdit pas les envois gratuits, mais elle interdit au commerçant d’exiger un paiement, sous forme d’une facture ou autrement, pour un bien expédié ou un service rendu sans avoir été demandé à l’avance par le consommateur (art. 230a) L.p.c.). Tel que le mentionne la Cour d’appel.

                                                                                            (Références omises)

[l]’article 230 L.p.c. implique nécessairement une pratique agressive ou, du moins, une manœuvre volontaire. La notion d’erreur […] est d’ailleurs difficilement conciliable avec une pratique commerciale [illégale].278

278 Union des consommateurs c. Bell Canada, [souligné dans l’original].

[…]

La loi vise principalement l’envoi d’un bien ou la fourniture d’un service quelconque précédé d’aucune commande du destinataire pour lequel le consommateur n’a pas clairement spécifié son intention d’acquérir le bien ou de recevoir le service.

[…]

[19]        Or, la démarche de monsieur Sénéchal constitue la vente d’une information qui n’a pas été sollicitée par le client.

[20]        La preuve démontre clairement que monsieur Sénéchal demande en échange de la transmission de cette information une commission de 13 % sur la somme que monsieur Saindon va obtenir.

[21]        Peu importe que le montant de la  commission serve à couvrir les dépenses de recherche ou à procurer un revenu à monsieur Sénéchal, tel que celui-ci l’explique lors de son témoignage, cette pratique d’exiger le paiement pour un service non requis par le potentiel client est expressément interdite par l’article 230 LPC

[22]        L’écoute de la conversation téléphonique enregistrée à l’insu de monsieur Saindon, qui ne constitue pas une preuve illégale[3], est claire sur la portée du consentement que veut obtenir monsieur Sénéchal de la part de monsieur Saindon, soit le paiement pour l’information transmise.

[23]        La décision du Tribunal aurait pu être différente si la proposition de monsieur Sénéchal avait porté sur une offre de service pour accompagner monsieur Saindon dans sa démarche pour récupérer les sommes d’argent et qu’un véritable contrat de service eut été conclu. Ce qui n’est manifestement pas le cas, en l’espèce.

[24]        Dans les circonstances, le Tribunal ne peut accorder la demande telle que formulée par monsieur Sénéchal.

PouR CES MOTIFS, le tribunal :

REJETTE  la demande de la partie demanderesse, monsieur Gérald Sénéchal;

CONDAMNE monsieur Gérald Sénéchal à payer à monsieur Jocelyn Saindon  les frais de justice de celui-ci

 

 

 

__________________________________

NATHALIE VAILLANT, J.C.Q.

 

Date d’audience :

11 juillet 2019

 



[1]     R.L.R.Q., c. P-40.1.

[2]     Me Nicole L’heureux et Me Marc Lacoursière, Droit de la consommation, 6e édition, Éditions Yvon Blais, page 537.

[3]     Jean Claude Royer, La preuve civile, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 830, paragr. 947 et page 941, 4ième pagragr.

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